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Interview d’Adama Sawadogo dans FairPlanet

Une interview avec le co-créateur de la solution iCivil, Adama Sawadogo figure dans la revue FairPlanet.  Un grand merci à Bob Koigi pour son article « The Bracelet that Registers 230 Million ‘Ghost’ Children »

Vous pouvez lire l’article en anglais ici ou lire la traduction française ci dessous…

 

Adama Sawadogo s'est fixé un objectif herculéen. Il espère que celui ci sera appuyé par de la technologie

Dans un monde où plus de 230 millions d’enfants en dessous de 5 ans ne sont pas enregistrés, la majorité d’entre eux proviennent d’Afrique. Ces enfants n’ont pas d’existence légale et sont particulièrement vulnérables, surtout auprès des traficants.  Mais dans un continent où on assiste à une explosion de technologie, Adama a crée iCivil, une startup basée au Burkina Faso dont l’objectif est de surfer cette vague technologique et rendre l’enregistrement des enfants à la naissance plus facile et accessible.  Il a parlé avec FairPlanet au sujet de ses plans de déploiement du système dans le reste du monde.

Fairplanet: Pourquoi est-ce si important d’enregistrer des enfants à la naissance?

Adama Sawadogo: l’état civil est un droit fondamental dans les états modernes.  Alors que l’identification des individus est évidente dans les pays développés, c’est une toute autre histoire dans les pays émergents où 40% de la population africaine n’existe pas légalement.  La majorité des 230 millions d’enfants fantômes sont nés sur ce continent.

Pourtant, cette situation, qui résulte dans le non-enregistrement systématique des naissances à l’état civil a des effets irréparables sur les personnes (jeunes et adultes) et aussi pour les Etats gouvernants.

D’abord, pour ceux qui n’ont pas d’identité, leur situation est une source de souffrance énorme.  Sans reconnaissance civile, ils n’ont accès à aucun droit: pas de soins, pas d’accès à l’éduction, ni à la formation ou la protection sociale.  Les enfants sans identité sont victimes de mariages précoces, ou d’enrolements de force dans des combats armés pour ne citer qu’eux.  De plus, il leur est impossible d’accéder à la justice par rapport à leur age.  Pour ceux qui ont la chance d’atteindre l’age adulte, d’autres barrières les attendent: ils ne pourront jamais intégrer l’économie formelle ni avoir le droit de participer à des activités clés pour leur nation telles que voter aux elections.  Pour faire simple, sans ce droit fondamental à l’identité, ils n’ont accès à aucun autre.

Cette situation affecte aussi les états.  Ils manquent de données statistiques fiables pour planifier leurs politiques de développement, comment construire une économie sur ce continent sans l’identification exhaustive de tous ses acteurs?

C’est pour toutes ces raisons que j’ai décidé de me consacrer  à l’avenir de mon continent, j’y déploie toute mon énergie pour légaliser l’existence de tous les enfants afin qu’ils entrent enfin dans la création de richesses.  De ce fait, nous pourrons éliminer la pauvreté en Afrique tout en propulsant ce continent dans l’économie numérique.

Expliquez-nous comment cette technologie fonctionne

iCivil est basé sur une application Mobile.  Un bracelet infalsifiable doté d’un code à bulles est placé sur le poignet de l’enfant.  L’agent de santé ou la sage femme scanne le bracelet avec l’application et remplit un formulaire avec des champs sur l’état civil de l’enfant : son nom, sexe, date de naissance et nom des parents.

Ces informations sont ensuite reçus sur le serveur national d’état civil.  Avec l’aide de l’automatisation des données, le couple SMS/authentifiant génère automatiquement un enregistrement de naissance, prêt à être imprimé et signé par un agent d’état civil.  De cette façon, les enregistrements d’actes civils sont centralisés et construisent les archives nationales qui s’accroissent tous les jours. Les parents n’ont plus à faire des kilomètres pour informer les autorités sur la naissance de leur enfant.

Ensuite ces données peuvent être imprimés au centre d’état civil de n’importe quelle localité (meme si l’enfant n’est pas né là bas).

Quelle est la fiabilité de la solution pour la capture de ces informations

iCivil est une solution d’identification digitale des citoyens qui est infaillible. Et ce, grâce à un composant clé: le code à bulles.  La principale caractéristique du code à bulles est son unicité: il ne peut pas être dupliqué. Nous avons fait de nombreux texts et pilotes pour nous assurer que ce code était inviolable parce que nous comprenons l’importance d’une capture d’informations aussi sensibles pour les pays qui proposent ce système. iCivil apporte ainsi une solution clé en mains contre l’usurpation de l’identité.

Comment faites vous pour atteindre les enfants qui ne sont pas nés dans des centres de santé?

Nous avons de nombreux nouveaux-nés qui naissent en dehors des institutions médicales, mais d’après les chiffres de l’OMS, jusqu’à 95% d’entre eux sont amenés quelques jours après leur naissance dans des centres de santé pour recevoir leurs premiers vaccins.  C’est à ce moment précis que nous proposons de capturer ces données.  Nous travaillons également avec des sage-femmes qui travaillent en dehors des sentiers battus : nous les équipons avec des bracelets et les outils pour capturer les données.  Nous avons aussi fait des campagnes de sensibilisation partout pour que notre solution puisse atteindre les endroits les plus reculés.

Depuis que cette solution est en place, pourriez-vous décrire son impact en une phrase?

Cela change la donne et transforme tout. Avant, il fallait plus de deux ans pour obtenir un certificat de naissance. Aujourd’hui, il faut une journée et les états peuvent bâtir des archives d’état civil exhaustifs et fiables.

Quelle a été votre plus grosse difficulté sur ce projet?

Le projet iCivil a, jusqu’à maintenant, été autofinancé.  Si ce n’était pas pour passion des co-inventeurs, y compris Francis Bourrières, l’inventeur du code à bulles, nous n’aurions jamais atteint notre but.  Par contre, dès le départ, nous y avons cru et avons dédié toutes les ressources nécessaires (humaines, matérielles et financières) pour que le projet aboutisse, car on était certains de son impact pour l’humanité.

Quelle a été la portée de votre technologie jusqu’à maintenant? Combien d’enfants avez-vous enregistré?

A la demande du gouvernement du Burkina Faso, un projet pilote a été mis en place à Ouagadougou (capitale du pays) entre Aout 2015 et Juillet 2016.  Ce projet pilote a été mis en place dans 10 maternités urbaines et rurales autour de notre capitale. Jusqu’à présent, nous avons enregistré 1500 nouveaux nés grâce à cette technologie.

Quels sont les retours du terrain? Est ce que les parents sont intéressés par votre volonté d’enregistrer leurs nouveaux nés?

Nous avons eu un soutien impressionnant de la part des parents car nous les avons convaincus de l’importance de l’enregistrement de l’état civil. En fait, beaucoup de parents nous rappellent pour enregistrer la fratrie entière, surtout lorsqu’ils réalisent l’importance d’un acte de naissance pour leurs enfants en particulier lorsqu’il s’agit de bénéficier de services publics.

Selon vous, est ce que les gouvernements en font assez pour assurer que les enfants soient enregistrés?

Je pense que les états sont très motivés de donner une identité légale aux nouveaux nés.  D’ailleurs, en septembre 2015 lorsque tous les états des Nations Unies se sont engagés dans ce sens dans le cadre de leur Sustainable Development Goals (SGD).  L’un des buts qu’ils se sont fixés, c’est de garantir une existence légale à tous les citoyens d’ici 2030, et cela passe aussi par un enregistrement des naissances. Maintenant que nous disposons d’une solution technique, durable, et accessible, ce fléau devrait être éradiqué sans délai! C’est une opportunité sans égal pour le continent africain et iCivil a reçu de l’aide des bailleurs de fonds internationaux tels que l’UNICEF, l’OMS, l’OIF, l’UNFPA, la Banque Mondiale…

Comment comptez-vous déployer ce programme?

iCivil a été crée pour toute l’Afrique.  Tous les états africains subissent le même problème lorsqu’il s’agit d’enregistrer les naissances.  Donc, nous allons partager l’expérience du Burkina Faso avec le reste du continent.

Nous sommes déjà en discussion avec des pays (Anglophones et Francophones) et continuons nos missions de sensibilisation pour que le continent adopte une solution digitale d’enregistrement des naissances.  Maintenant que nous disposons d’une solution, les 2 milliards d’individus qui n’ont pas d’existence légale dans le monde peuvent enfin espérer avoir des droits.  Nous faisons ceci pour l’humanité et nous appelons tous les acteurs (y compris les médias) à nous aider à atteindre tout le monde, car la clé de la dignité pour n’importe quel être humain est la reconnaissance.

 

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